
Doué d’une excellente mémoire et d’un prodigieux talent de calcul mental, Euler est productif jusqu’à son tout dernier jour sur terre. En 1775, pourtant déjà complètement aveugle, il publie avec l’aide de ses scribes en moyenne un article par semaine ! On estime qu’il est l’auteur à lui seul d’un tiers de la production mathématique de son époque. C’est un pionnier dans tous les grands domaines des mathématiques. Il introduit des concepts, développe des méthodes, et sait aussi les rendre utiles : ses contributions en hydrodynamique, mécanique céleste et astronomie, science navale, optique, élasticité, électrostatique, acoustique, ou musique sont toutes marquantes. Il n’est pas étranger à la vulgarisation non plus : son livre Lettres à une princesse d’Allemagne fut un best-seller scientifique pendant près d’un siècle.
La célèbre identité d’Euler, « eπi+1=0 », est bien connue des étudiants de mathématiques. Qualifiée de « formule la plus remarquable des mathématiques » par le prix Nobel de physique Richard Feynman, elle témoigne parfaitement de l’héritage d’Euler. C’est en effet lui-même qui identifie (et nomme, et calcule jusqu’au 23ème chiffre après la virgule) le nombre « e », lui qui définit la fonction exponentielle, et même la notion de fonction en général, et lui qui introduit les notations « π » (pour le rapport entre la circonférence d’un disque et son diamètre) et « i » pour ce fameux nombre «imaginaire» dont le carré vaut « -1 ».
L’identité d’Euler figure en fait parmi les nombreux théorèmes, formules, règles et méthodes auxquels son nom est attaché. En particulier, les équations qui régissent aussi bien le mouvement des océans que celui de l’atmosphère, c’est à Euler qu’on les doit, dans son mémoire intitulé Principes généraux du mouvement des fluides (1757).
S’il est un autre domaine où il apporta une contribution particulièrement fondatrice, c’est bien le calcul des variations, sujet qui traite des propriétés minimisantes ou maximisantes des courbes. Dans un célèbre ouvrage de 1744, il établit pour la première fois les bases du sujet dans un cadre abstrait, et développe une centaine d’exemples. Il introduit la technique des multiplicateurs pour traiter l’optimisation sous contrainte. Euler proclame en outre le principe de moindre action, l’une des idées les plus audacieuses et fructueuses en science. Ce principe nous permet d’expliquer le monde autour de nous en termes d’optimisation : la forme d’une bulle de savon ou d’une caténaire, l’oscillation d’un pendule, ou encore l’orbite de la Lune autour de la planète, sont ce qu’elles sont parce qu’une certaine quantité est minimisée. Euler lui-même disait : « Rien ne se passe dans l’Univers sans qu’un minimum ou un maximum apparaisse. » Ses idées ont largement inspiré Lagrange (voir la brève à son sujet), et leurs versions modernes sont omniprésentes, par exemple en relativité, en mécanique quantique et en contrôle optimal.
Condorcet disait de lui : «Tous les mathématiciens sont ses disciples.» Une affirmation toujours d’actualité !
Brève rédigée par Francis Clarke (Université Lyon 1).
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